Les hérauts d’armes, héritier de la tradition héraldique anglaise

« Parmi les multiples traditions médiévales que la Grande-Bretagne conserve jalousement, peu sont aussi ancrées dans l’Histoire et ses mystères que le Collège des Armes, institution apparue sous le règne de Richard III et dont les membres les plus éminents portent les titres de « maître des armes » et de « héraut ». Au Moyen Âge, les hérauts étaient, comme leur nom l’indique, les hommes de confiance chargés de traverser les champs de bataille sous pavillon blanc afin de porter les messages que s’échangeaient les seigneurs de la guerre. Mais en temps de paix ils avaient une tout autre fonction : durant les tournois et les joutes auxquels les chevaliers aimaient à se livrer, ils étaient ceux qui annonçaient à l’assistance le nom des concurrents. Comme ces derniers se présentaient sur le terrain déjà tout harnachés, la visière de leur armure baissée, la seule chose qui permettait de les identifier était le blason que chacun portait sur son bouclier. Ainsi, le héraut, apercevant sur l’écu un ours et un bâton contourné, pouvait proclamer sans erreur possible que la masse de ferraille juchée sur un cheval qui venait d’entrer en lice n’était autre que le comte de Warwick. Peu à peu, grâce à leur connaissance des armoiries, les hérauts devinrent donc les experts et les arbitres de l’identité nobiliaire : c’était à eux qu’il revenait d’établir qui était qui, et surtout qui avait le droit de prétendre à tel titre, de se revendiquer de telle ascendance… Ce n’était pas seulement une question de fierté aristocratique : de leur verdict dépendrait le contrôle d’immenses propriétés, de châteaux, de fermes, de manoirs. L’accès à de grandes richesses, et au pouvoir, était en jeu. À leur mort, les nobles avaient en effet coutume de laisser derrière eux une cohorte de descendants, légitimes ou non, qui se disputaient âprement l’héritage. Des guerres pouvaient éclater à la faveur de telles rivalités. Gardiens des archives, les hérauts étaient les seuls à pouvoir décider qui était réellement de sang bleu, qui avait le droit de « porter les armes » : non pas une épée ou un fusil, mais les armoiries symbolisant l’appartenance à une lignée ancestrale. De nos jours encore, le Collège a le pouvoir de trancher des contestations d’héritage, de concevoir un nouveau blason pour un banquier ou un industriel récemment anobli, ou d’établir contre honoraires un arbre généalogique remontant aussi loin que les registres le permettent. Il n’est pas surprenant que les hérauts modernes soient des universitaires
dépositaires d’une science complexe qui demande de longues années d’études et une grande maîtrise de la langue normande et du vieux français. Certains d’entre eux se sont spécialisés dans l’étude des grandes maisons aristocratiques d’Europe, auxquelles l’aristocratie britannique est liée par de nombreux mariages. »

Frederick Forsyth, Icône

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